ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)                         14 septembre 2000 (1)

 «Article 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE) - Directive 93/16/CEE du Conseil - Ressortissant communautaire titulaire  d'un diplôme argentin reconnu par les autorités d'un État membre comme équivalant dans celui-ci au titre de licencié en médecine et en      chirurgie - Obligations d'un autre État membre saisi d'une demande d'exercer la médecine sur son territoire»

Dans l'affaire C-238/98, ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne (France) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Hugo Fernando Hocsman
                                                et
Ministre de l'Emploi et de la Solidarité,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43 CE),

                                      LA COUR (cinquième chambre),

composée de MM. D. A. O. Edward (rapporteur), président de chambre, J. C. Moitinho de Almeida, C. Gulmann, J.-P. Puissochet et P. Jann, juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs,

greffier: M. H. von Holstein, greffier adjoint, considérant les observations écrites présentées:

-pour M. Hocsman, par Me G. Chemla, avocat au barreau de Châlons-en-Champagne,

-pour le gouvernement français, par Mmes K. Rispal-Bellanger, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et A. de Bourgoing, chargé de mission à la même direction, en qualité d'agents,

-pour le gouvernement espagnol, par Mme M. López-Monís Gallego, abogado del Estado, en qualité d'agent,

-pour le gouvernement italien, par M. le professeur U. Leanza, chef du service du contentieux diplomatique du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, assisté de M. D. Del Gaizo, avvocato dello Stato,

-pour le gouvernement finlandais, par M. H. Rotkirch et Mme T. Pynnä, valtionasiamiehet, en qualité d'agents,

-pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. J. E. Collins, Assistant Treasury Solicitor, en qualité d'agent, assisté de M. R. Thompson, barrister,

-pour la Commission des Communautés européennes, par MM. A. Caeiro, conseiller juridique principal, et B. Mongin, membre du service juridique, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience, ayant entendu les observations orales de M. Hocsman, représenté par Me G. Chemla, du gouvernement français, représenté par Mme C. Bergeot, chargé de mission à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, du gouvernement espagnol, représenté par Mme M. López-Monís Gallego, du gouvernement italien, représenté par M. D. Del Gaizo, du gouvernement néerlandais, représenté par M. M. A. Fierstra, conseiller juridique au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, et de la Commission, représentée par M. B. Mongin, à l'audience du 17 juin 1999, ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 16 septembre 1999, rend le présent

                                               Arrêt

1. Par jugement du 23 juin 1998, parvenu à la Cour le 7 juillet suivant, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a posé, en    application de l'article 177 du traité CE (devenu article 234 CE), ne question préjudicielle sur l'interprétation de l'article 52 du traité CE    (devenu, après modification, article 43 CE).

2. Cette question a été soulevée dans le cadre d'un litige opposant M. Hocsman au ministre de l'Emploi et de la Solidarité français au    sujet d'une décision lui refusant l'autorisation d'exercer la médecine en France.

    Le droit communautaire

3. L'article 52 du traité CE dispose:

    «Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le    territoire d'un autre État membre sont progressivement supprimées au cours de la période de transition. ...
    La liberté d'établissement comporte l'accès aux activités non salariées et leur exercice ... dans les conditions définies par la législation    du pays d'établissement pour ses propres ressortissants...»

4. L'article 57, paragraphes 1 et 3, du traité CE (devenu, après modification, article 47, paragraphes 1 et 3, CE) énonce:

    «1.Afin de faciliter l'accès aux activités non salariées et leur exercice, le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l'article    189 B, arrête des directives visant à la reconnaissance mutuelle des diplômes, certificats et autres titres.

    ...

    3.En ce qui concerne les professions médicales, paramédicales et pharmaceutiques, la libération progressive des restrictions sera    subordonnée à la coordination de leurs conditions d'exercice dans les différents États membres.»

5. La directive 93/16/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, visant à faciliter la libre circulation des médecins et la reconnaissance mutuelle de    leurs diplômes, certificats et autres titres (JO L 165, p. 1), s'applique, selon son article 1er, aux activités de médecin exercées à titre     indépendant ou salarié par les ressortissants des États membres.

6. Aux termes de l'article 2 de la directive 93/16:
    «Chaque État membre reconnaît les diplômes, certificats et autres titres délivrés aux ressortissants des États membres par les autres    États membres conformément à l'article 23 et énumérés à l'article 3, en leur donnant, en ce qui concerne l'accès aux activités du    médecin et l'exercice de celles-ci, le même effet sur son territoire qu'aux diplômes, certificats et autres titres qu'il délivre.»

7. Les articles 23 et 24 de la directive 93/16, figurant dans le titre III de celle-ci, intitulé «Coordination des dispositions législatives,     réglementaires et administratives concernant les activités du médecin», traitent des conditions auxquelles doit répondre la formation     médicale pour aboutir à la reconnaissance, dans les autres États membres, du diplôme, certificat ou autre titre délivré à l'issue de cette    formation. L'article 23 de la directive 93/16 a trait au diplôme, certificat ou autre titre de médecin délivré à l'issue de la formation de    base, tandis que l'article 24 de cette directive concerne le diplôme, certificat ou autre titre de médecin spécialiste.

8. L'article 23 de la directive 93/16 dispose:

    «1.Les États membres subordonnent l'accès aux activités de médecin et l'exercice de celle-ci à la possession d'un diplôme, certificat    ou autre titre de médecin visé à l'article 3 donnant la garantie que l'intéressé a acquis pendant la durée totale de sa formation:

    a)une connaissance adéquate des sciences sur lesquelles se fonde la médecine, ainsi qu'une bonne compréhension des méthodes    scientifiques, y compris des principes de la mesure des fonctions biologiques, de l'appréciation de faits établis scientifiquement et de    l'analyse des données;

    b)une connaissance adéquate de la structure, des fonctions et du comportement des êtres humains, en bonne santé et malades, ainsi    que des rapports entre l'état de santé de l'homme et son environnement physique et social;

    c)une connaissance adéquate des matières et des pratiques cliniques lui fournissant un aperçu cohérent des maladies mentales et    physiques, de la médecine sous ses aspects préventifs, diagnostique et thérapeutique, ainsi que de la reproduction humaine;

    d)une expérience clinique adéquate sous surveillance appropriée dans des hôpitaux.

    2.Cette formation médicale totale comprend au moins six années d'études ou 5 500 heures d'enseignement théorique et pratique    dispensées dans une université ou sous la surveillance d'une université.

    3.L'admission à cette formation suppose la possession d'un diplôme ou d'un certificat donnant accès, pour les études en cause, aux    établissements universitaires d'un État membre.

    4.Pour les intéressés ayant commencé leurs études avant le 1er janvier 1972, la formation visée au paragraphe 2 peut comporter une    formation pratique de niveau universitaire de six mois effectuée à plein temps sous le contrôle des autorités compétentes.

    5.La présente directive ne porte pas préjudice à la possibilité pour les États membres d'accorder sur leur territoire, selon leur    réglementation, l'accès aux activités de médecin et leur exercice aux titulaires de diplômes, certificats ou autres titres, qui n'ont pas été    obtenus dans un État membre.»

9. L'article 24 de la directive 93/16 prévoit:

    «1.Les États membres veillent à ce que la formation conduisant à l'obtention d'un diplôme, certificat ou autre titre de médecin    spécialiste réponde pour le moins aux conditions suivantes:

    a)elle suppose l'accomplissement et la validation de six années d'études dans le cadre du cycle de formation visé à l'article 23; quant à    la formation conduisant à la délivrance du diplôme, certificat ou autre titre de spécialiste en chirurgie dentaire, orale et maxillo-faciale    (formation de base de médecin et de praticien de l'art dentaire), elle suppose, en outre, l'accomplissement et la validation du cycle de    formation de praticien de l'art dentaire visé à l'article 1er de la directive 78/687/CEE du Conseil, du 25 juillet 1978, visant à la    coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant les activités du praticien de l'art dentaire;

    b)elle comprend un enseignement théorique et pratique;

    c)elle s'effectue à plein temps et sous le contrôle des autorités ou organismes compétents conformément au point 1 de l'annexe I;

    d)elle s'effectue dans un centre universitaire, dans un centre hospitalier et universitaire ou, le cas échéant, dans un établissement de    soins de santé agréé à cet effet par les autorités ou organismes compétents;

    e)elle comporte une participation personnelle du médecin candidat spécialiste à l'activité et aux responsabilités des services en cause.

    2.Les États membres subordonnent la délivrance d'un diplôme, certificat ou autre titre de médecin spécialiste à la possession d'un des    diplômes, certificats ou autres titres de médecin visés à l'article 23; quant à la délivrance du diplôme, certificat ou autre titre de    spécialiste en chirurgie dentaire, orale et maxillo-faciale (formation de base de médecin et de praticien de l'art dentaire), elle est    subordonnée en outre à la possession d'un des diplômes, certificats ou autres titres de praticien de l'art dentaire visés à l'article 1er de    la directive 78/687/CEE.»

    Le droit national

10. L'article L. 356 du code de la santé publique prévoit:
    «Nul ne peut exercer la profession de médecin, de chirurgien-dentiste ou de sage-femme en France s'il n'est:

    1° Titulaire d'un diplôme, certificat ou autre titre mentionné à l'article L. 356-2...

    2° De nationalité française ou ressortissant de l'un des États membres de la Communauté économique européenne ou des autres    États parties à l'accord sur l'Espace économique européen...    ...»

11. En vertu de l'article L. 352-2 du même code, les diplômes, certificats et titres exigés pour l'exercice de la profession de médecin sont    soit le diplôme français d'État de docteur en médecine, soit, si l'intéressé est ressortissant d'un État membre de la Communauté    européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen, un diplôme, certificat ou autre titre de médecin    délivré par l'un de ces États et figurant sur une liste établie conformément aux obligations communautaires ou à celles résultant de    l'accord sur l'Espace économique européen, par arrêté conjoint du ministre de la Santé et du ministre chargé des universités.

    Le litige au principal

12. Il ressort du dossier que M. Hocsman est titulaire d'un diplôme de docteur en médecine délivré en 1976 par l'université de Buenos    Aires (Argentine) et d'un diplôme de spécialiste en urologie délivré en 1982 par l'université de Barcelone (Espagne).

13. D'origine argentine, M. Hocsman a acquis la nationalité espagnole en 1986, puis est devenu citoyen français en 1998.

14. En 1980, les autorités espagnoles ont reconnu le diplôme argentin de M. Hocsman comme équivalant au titre espagnol de licencié en    médecine et en chirurgie, permettant ainsi à ce dernier d'exercer la médecine en Espagne et d'y accéder à une formation de médecin    spécialiste.

15. N'étant pas ressortissant espagnol au moment de ses études de spécialisation, le titre de médecin spécialiste en urologie délivré à M.    Hocsman en 1982 était un titre académique. Une fois la nationalité espagnole acquise, M. Hocsman a obtenu, en 1986, l'autorisation    d'exercer l'activité professionnelle de médecin spécialiste en urologie en Espagne.

16. Selon diverses attestations, M. Hocsman a travaillé un certain nombre d'années en Espagne. Entré en France en 1990, il a exercé    depuis des fonctions d'attaché ou d'assistant associé, spécialiste en chirurgie urologique, dans divers hôpitaux français, notamment,    depuis novembre 1991, au centre hospitalier de Laon.

17. Dans le but d'obtenir son inscription au tableau de l'ordre national des médecins en vue d'exercer la médecine en France, M. Hocsman    a effectué des démarches auprès des autorités françaises à plusieurs reprises.

18. Par lettre du 27 juin 1997, le ministre de l'Emploi et de la Solidarité a refusé de délivrer à M. Hocsman l'autorisation d'exercer la    médecine en France, au motif que ce dernier ne remplit pas les conditions prévues à l'article L. 356 du code de la santé publique    puisque le diplôme argentin dont il est titulaire n'ouvre pas droit à l'exercice de la médecine en France.

19. Saisi d'un recours en annulation de cette décision, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, considérant que la solution du    litige nécessite l'interprétation du droit communautaire, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle    suivante:

    «... une équivalence donnée par un État membre [doit-elle] conduire un autre État membre à vérifier, sur le fondement de l'article 52 du    Traité de Rome, si les expériences et qualifications attestées par cette équivalence correspondent à celles exigées par les diplômes et    titres nationaux, notamment dans l'hypothèse où le bénéficiaire de l'équivalence est titulaire d'un diplôme attestant d'une formation    spécialisée acquise dans un État membre et inclus dans le champ d'application d'une directive portant reconnaissance mutuelle des    diplômes[?]»

    Sur la question préjudicielle

20. M. Hocsman considère comme contradictoire le fait qu'il exerce légalement, depuis des années, des fonctions de spécialiste en    urologie dans divers hôpitaux en France alors que, dans le même temps, sa demande d'inscription au tableau de l'ordre national des    médecins lui est refusée. En s'appuyant sur la jurisprudence de la Cour relative à l'article 52 du traité, notamment les arrêts du 7 mai    1991, Vlassopoulou (C-340/89, Rec. p. I-2357), et du 9 février 1994, Haim (C-319/92, Rec. p. I-425), il fait valoir que le refus par les    autorités françaises de reconnaître son diplôme argentin de médecin est contraire tant à l'esprit qu'à la lettre de ladite disposition.

21. Au point 16 de l'arrêt Vlassopoulou, précité, la Cour a jugé que l'article 52 du traité doit être interprété en ce sens qu'il incombe à un    État membre, saisi d'une demande d'autorisation d'exercer une profession dont l'accès est, selon la législation nationale, subordonné à    la possession d'un diplôme ou d'une qualification professionnelle, de prendre en considération les diplômes, certificats et autres titres    que l'intéressé a acquis, dans le but d'exercer cette même profession dans un autre État membre, en procédant à une comparaison    entre les compétences attestées par ces diplômes et les connaissances et qualifications exigées par les règles nationales.

22. Par application du même principe, la Cour a jugé, au point 28 de l'arrêt Haim, précité, que les autorités nationales compétentes    doivent, pour vérifier si l'obligation d'accomplir un stage prescrite par la réglementation nationale est satisfaite, tenir compte de    l'expérience professionnelle de l'intéressé, y compris celle qu'il a acquise dans un autre État membre.

23. Cette jurisprudence ayant été confirmée à plusieurs reprises (voir, en dernier lieu, arrêt du 8 juillet 1999, Fernández de Bobadilla,    C-234/97, Rec. p. I-4773, points 29 à 31), il est bien établi que les autorités d'un État membre, saisies d'une demande d'autorisation,    présentée par un ressortissant communautaire, d'exercer une profession dont l'accès est, selon la législation nationale, subordonné à la    possession d'un diplôme ou d'une qualification professionnelle, ou encore à des périodes d'expérience pratique, sont tenues de    prendre en considération l'ensemble des diplômes, certificats et autres titres, ainsi que l'expérience pertinente de l'intéressé, en    procédant à une comparaison entre, d'une part, les compétences attestées par ces titres et cette expérience, et, d'autre part, les    connaissances et qualifications exigées par la législation nationale.

24. Il importe de relever que cette jurisprudence n'est que l'expression jurisprudentielle d'un principe inhérent aux libertés fondamentales du    traité.

25. Les gouvernements espagnol et italien, soutenus lors de l'audience par le gouvernement français, font valoir que ce principe n'est pas    applicable à la présente affaire. En effet, lorsqu'il existe une directive relative à la reconnaissance mutuelle des diplômes, telle que la    directive 93/16, et que le titre dont dispose l'intéressé ne remplit pas les conditions instaurées par celle-ci, l'intéressé ne saurait se    prévaloir directement des dispositions du traité relatives aux libertés fondamentales communautaires.

26. Considérant que l'article 57, paragraphe 3, du traité soumet la libre circulation de ceux qui exercent des professions médicales,    paramédicales et pharmaceutiques à certaines conditions qui ont été précisées par le droit dérivé, lesdits gouvernements en concluent    que les personnes concernées ne peuvent faire usage de ce droit que selon la procédure et les modalités prévues par le droit dérivé, à    savoir, en ce qui concerne l'affaire au principal, dans le cadre établi par la directive 93/16.

27. Ces gouvernements relèvent que la jurisprudence de la Cour en la matière portait sur des professions, telles que celles d'avocat (en    cause dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Vlassopoulou, précité) ou d'agent immobilier (voir arrêt du 7 mai 1992, Aguirre Borrell    e.a., C-104/91, Rec. p. I-3003), qui n'avaient fait l'objet, à l'époque à laquelle cette jurisprudence est intervenue, d'aucune directive    relative à la coordination ou à la reconnaissance mutuelle des diplômes. Cette jurisprudence serait, par conséquent, sans pertinence en    ce qui concerne la libre circulation des médecins, qui serait régie de façon exhaustive par la directive 93/16, en ce qui concerne la    détermination tant de ceux qui ont droit à cette liberté que de ceux qui en sont exclus.

28. Ils ajoutent que la limitation que l'article 57, paragraphe 3, du traité institue à l'égard des professions médicales, paramédicales et    pharmaceutiques a pour objet de garantir un niveau élevé de protection de la santé, qui est l'un des objectifs expressément impartis à    la Communauté par l'article 3, sous o), du traité CE [devenu, après modification, article 3, sous p), CE]. La réalisation de cet objectif    serait compromise s'il était admis que les professions médicales ou paramédicales soient exercées en méconnaissance des    conditions prévues par les directives applicables.

29. En revanche, les gouvernements finlandais et du Royaume-Uni, ainsi que la Commission, considèrent que les obligations relatives à la    reconnaissance mutuelle des diplômes imposées aux États membres par l'article 52 du traité subsistent, qu'il existe ou non une    directive communautaire relative à cette matière. La Commission relève qu'il serait paradoxal que l'existence d'une directive visant à la    reconnaissance mutuelle des diplômes ait un effet restrictif sur la liberté d'établissement, en privant le ressortissant communautaire    titulaire d'un diplôme ne remplissant pas les conditions posées par cette directive de la possibilité de se prévaloir du principe évoqué    aux points 23 et 24 du présent arrêt, alors qu'il aurait certainement pu le faire en l'absence d'une telle directive.

30. Au vu de ces observations, il y a lieu de préciser le champ d'application du principe évoqué aux points 23 et 24 du présent arrêt.

31. S'il est vrai que ledit principe a été appliqué dans des affaires ayant trait à des professions pour l'exercice desquelles il n'existait pas, à    l'époque, de mesures d'harmonisation ou de coordination, il n'en reste pas moins que ce principe ne saurait perdre une partie de sa    valeur juridique du fait de l'adoption de directives relatives à la reconnaissance mutuelle des diplômes.

32. En effet, de telles directives ont pour objet, ainsi qu'il ressorte l'article 57, paragraphe 1, du traité, de faciliter l'accès aux activités non    salariées et leur exercice et, partant, de rendre plus aisées les possibilités déjà existantes d'accès aux dites activités pour les    ressortissants des autres États membres. C'est dans cette optique que la Cour a jugé que, lorsque la liberté d'établissement prévue à    l'article 52 du traité peut être assurée dans un État membre en vertu soit des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, soit    des pratiques de l'administration publique ou de corporations professionnelles, le bénéfice effectif de cette liberté ne saurait être refusé    à une personne relevant du droit communautaire en raison du seul fait que, pour une profession donnée, les directives prévues à l'article    57 du traité n'ont pas encore été prises (voir arrêt du 28 avril 1977, Thieffry, 71/76, Rec. p. 765, point 17).

33. Le rôle de directives établissant des règles et des critères communs pour la reconnaissance mutuelle des diplômes est donc    d'instaurer un système qui oblige les États membres à admettre l'équivalence de certains diplômes, sans qu'ils puissent exiger des    intéressés le respect d'autres conditions que celles édictées par les directives applicables en la matière.

34. Une telle reconnaissance mutuelle de ces diplômes rend superflue, lorsque les conditions telles que celles énoncées par la directive    93/16 sont remplies, la reconnaissance éventuelle desdits diplômes en application du principe évoqué aux points 23 et 24 du présent    arrêt. Ce principe conserve cependant un intérêt certain dans les situations non couvertes par de telles directives, comme c'est le cas    pour M. Hocsman.

35. Dans une telle situation, ainsi qu'il a été constaté au point 23 du présent arrêt, les autorités d'un État membre, saisies d'une demande    d'autorisation, présentée par un ressortissant communautaire, d'exercer une profession dont l'accès est, selon la législation nationale,    subordonné à la possession d'un diplôme ou d'une qualification professionnelle, ou encore à des périodes d'expérience pratique, sont    tenues de prendre en considération l'ensemble des diplômes, certificats et autres titres, ainsi que l'expérience pertinente de l'intéressé,    en procédant à une comparaison entre, d'une part, les compétences attestées par ces titres et cette expérience et, d'autre part, les    connaissances et qualifications exigées par la législation nationale.

36. Si cet examen comparatif des diplômes et de l'expérience professionnelle y afférente aboutit à la constatation que les connaissances    et qualifications attestées par le diplôme obtenu à l'étranger correspondent à celles exigées par les dispositions nationales, les    autorités compétentes de l'État membre d'accueil sont tenues d'admettre que ce diplôme et, éventuellement, l'expérience    professionnelle y afférente remplissent les conditions posées par celles-ci. Si, en revanche, la comparaison ne révèle qu'une    correspondance partielle entre ces connaissances et qualifications, lesdites autorités sont en droit d'exiger que l'intéressé démontre    qu'il a acquis les connaissances et qualifications non attestées (voir, en ce sens, arrêts précités Vlassopoulou, points 19 et 20, et    Fernández de Bobadilla, points 32 et 33).

37. Dans l'affaire au principal, est en cause un médecin dont le diplôme argentin de médecine de base a été reconnu comme équivalant au    diplôme national dans un État membre, lui permettant ainsi de poursuivre des études de spécialisation en urologie dans ce même État    et d'y obtenir un diplôme de spécialiste en urologie qui, selon les documents soumis à la Cour, aurait été reconnu, en vertu du droit    communautaire, équivalent dans tous les États membres si le diplôme de base avait, lui aussi, été délivré dans un État membre.

38. Par la suite, l'intéressé a également exercé pendant plusieurs années dans l'État membre d'accueil, de manière légale, la spécialité    médicale qu'il souhaiterait précisément y exercer à l'avenir à titre indépendant, ce qui nécessite l'inscription de l'intéressé au tableau de    l'ordre national des médecins de l'État membre d'accueil et, partant, la possession d'un diplôme de médecine de base délivré par les    autorités nationales compétentes ou reconnu comme équivalant à ce dernier.

39. Il appartient à la juridiction de renvoi, le cas échéant aux autorités nationales compétentes, d'apprécier, au vu de tous les éléments du    dossier et des considérations qui précèdent, si l'équivalence du diplôme de M. Hocsman avec le diplôme correspondant français doit    être admise. Il y aura lieu notamment d'examiner si la reconnaissance en Espagne du diplôme argentin de M. Hocsman comme    équivalant au titre espagnol de licencié en médecine et en chirurgie a été effectuée sur le fondement de critères comparables à ceux    qui ont pour objet, dans le cadre de la directive 93/16, de garantir aux États membres qu'ils peuvent se fier à la qualité des diplômes en    médecine délivrés par les autres États membres.

40. Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent qu'il a y lieu de répondre à la question préjudicielle que l'article 52 du traité    doit être interprété en ce sens que, lorsque, dans une situation non régie par une directive relative à la reconnaissance mutuelle des    diplômes, un ressortissant communautaire présente une demande d'autorisation d'exercer une profession dont l'accès est, selon la    législation nationale, subordonné à la possession d'un diplôme ou d'une qualification professionnelle, ou encore à des périodes    d'expérience pratique, les autorités compétentes de l'État membre concerné sont tenues de prendre en considération l'ensemble des    diplômes, certificats et autres titres, ainsi que l'expérience pertinente de l'intéressé, en procédant à une comparaison entre, d'une part,    les compétences attestées par ces titres et cette expérience, et,d'autre part, les connaissances et qualifications exigées par la    législation nationale.

    Sur les dépens

41. Les frais exposés par les gouvernements français, espagnol, italien, néerlandais, finlandais et du Royaume-Uni, ainsi que par la    Commission, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard    des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les    dépens.

 

 

   

 Par ces motifs,

                                        LA COUR (cinquième chambre),

    statuant sur la question à elle soumise par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, par jugement du 23 juin 1998, dit pour    droit:

L'article 52 du traité CE (devenu, après modification, article 43CE) doit être interprété en ce sens que, lorsque, dans une situation non régie par une directive relative à la reconnaissance mutuelle des diplômes, un ressortissant communautaire    présente une demande d'autorisation d'exercer une profession dont l'accès est, selon la législation nationale, subordonné    à la possession d'un diplôme ou d'une qualification professionnelle, ou encore à des périodes d'expérience pratique, les    autorités compétentes de l'État membre concerné sont tenues de prendre en considération l'ensemble des diplômes,    certificats et autres titres, ainsi que l'expérience pertinente de l'intéressé, en procédant à une comparaison entre, d'une    part, les compétences attestées par ces titres et cette expérience, et, d'autre part, les connaissances et qualifications    exigées par la législation nationale.

     Edward     Moitinho de Almeida             Gulmann     Puissochet                Jann

    Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 septembre 2000.

    Le greffier

Le président de la cinquième chambre

    R. Grass     D. A. O. Edward

1: Langue de procédure: le français.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LA COUR DE JUSTICE DES COMMUNAUTES EUROPEENNES DE LUXEMBOURG VIENT DE PRONONCER UN ARRÊT SUSCEPTIBLE DE REGLER LE CAS DES MEDECINS COMMUNAUTAIRES TITULAIRES D'UN DIPLÔME ETRANGER    

Il existe en France de très nombreux médecins qui, d'origine étrangère sont titulaires d'un diplôme de base, délivré par leur pays d'origine.   

Ces médecins viennent généralement en France pour suivre des études de spécialisation ou affiner leur formation.

De nombreux sont embauchés dans les hôpitaux dans le cadre de statuts intermédiaires spécifiques ; même s'ils acquièrent la nationalité d'un Etat membre de l'union européenne, ils restent titulaires au départ d'un diplôme étranger qu'ils ne peuvent faire reconnaître en France.

Le droit français règle cette situation au travers les articles L 356 et L 356-2 du Code de la Santé Publique qui instituent la reconnaissance automatique des seuls diplômes délivrés par un Etat européen à des ressortissants communautaires.

Lorsque le diplôme n'est pas européen, le médecin est astreint à se présenter à un examen pour obtenir la reconnaissance de son statut (de type CSCT).

Ces examens, s'ils sont facilement accessibles à de jeunes professionnels francophones, deviennent beaucoup plus difficiles à obtenir lorsqu'ils doivent présentés très longtemps après la fin de leurs études de médecine générale par des praticiens qui se sont depuis lors investis dans une spécialité et qui ne possèdent pas nécessairement de façon parfaite la langue française.

On en arrive à la situation paradoxale que chacun connaît aujourd'hui : la création d'un corps de "sous-médecins" qui peuvent exercer dans le cadre de contrat temporaire aux services des hôpitaux, mais qui restent en situation précaire et très généralement sous rémunérés.

C'est au travers du cadre d'un de ces praticiens, que la Cour de Justice a été amenée à rendre le 14 septembre dernier, une décision qui devrait modifier radicalement la situation de ces praticiens.

 

1/ Le cas du Docteur Hocsman

Le Docteur Hocsman de nationalité argentine poursuit des études médicales et acquiert dans ce pays le titre de Docteur en médecine.

Désireux à la fois de parfaire ses connaissances et de connaître l'Europe, il vient vivre au début des années 1980 en Espagne, où il poursuit une formation de spécialité en urologie.

Il existe des conventions particulières entre l'Espagne et l'Argentine aux termes desquelles se trouve prévue la reconnaissance mutuelle du diplôme de Docteur en médecine.

Le Docteur Hocsman qui acquiert entre-temps la nationalité Espagnole devient dès lors un médecin de plein exercice, inscrit à l'Ordre de BARCELONE en sa qualité d'abord de médecin généraliste, puis de spécialiste en chirurgie et en urologie.

Ayant développé des contacts avec des praticiens français, il s'intéresse à la pratique d'opérations sous célioscopie de nouveaux-nés atteints de malformation et décide de compléter encore sa formation à l'hôpital NECKER.

Petit à petit, il s'installe en France, se voit proposer dans divers hôpitaux périphériques des postes de médecin associé, responsable du service d'urologie.

A chaque fois il ne bénéficie que de contrats de trois années en principe renouvelables une seule fois, mais par divers artifices, l'administration hospitalière réussit à le confirmer dans ses fonctions pendant une durée de plus de sept années.

La direction de l'hôpital organise même un système de garde plus ou moins fictive, destiné à permettre de le rémunérer plus décemment que ce que le statut permet.

Le Docteur Hocsman qui s'est installé définitivement en France et qui est en cours d'acquisition de la nationalité française, ne supporte plus la situation de précarité dans laquelle il est enfermé et souhaite pouvoir exercer complètement  son art dans notre pays.

Il est dans une situation paradoxale :

- la France ne reconnaît pas son diplôme de médecin généraliste argentin

- elle reconnaît par contre son diplôme de médecin spécialiste en urologie en vertu des directives européennes qui imposent aux membres de l'union, la reconnaissance mutuelle des diplômes.

 

Pour exercer la spécialité, il convient en premier lieu de bénéficier du statut de médecin généraliste.

Tant qu'il n'en bénéficiera pas, le Docteur Hocsman restera dans la situation qu'il connaît depuis son arrivée en France.

Ses nombreux titres, ses publications, la reconnaissance de ses confrères sont sans influence sur son statut.

 

Le Docteur Hocsman tente de passer l'examen prévu par le Code de la Santé Publique. Cet examen fait appel à des éléments de médecine générale qu'il ne pratique plus depuis plus de 15 ans et ce dans une langue qui n'est pas sa langue maternelle.

Il estime n'avoir aucune chance sérieuse de réussite et a le sentiment d'être confronté à une brimade anormale.

2/ La position de l'administration de la Justice française

Le Docteur Hocsman demande dès lors au Ministre de la santé de prendre en considération les  titres qu'il a acquis, y compris sur le sol extra communautaire, ainsi que l'expérience qu'il a acquise pour l'essentiel en Espagne et en France, c'est-à-dire dans le cadre de pays de l'Union européenne.

 

Le Ministre rejette sa demande.

Le Docteur Hocsman saisit alors le Tribunal Administratif d'un recours pour excès de pouvoir.

Devant le Tribunal, il invoque le droit européen et notamment la jurisprudence de la Cour de Justice développée sur la base de l'article 52 du traité de Rome (devenu article 43 du  traité CE).

D'une manière générale, la Cour demande aux Etats membres, pour valider un diplôme d'un pays membre de l'Union européenne, de ne pas s'en tenir qu'au titre, mais également de prendre en compte l'expérience professionnelle acquise.

l'Administration demande au Tribunal d'écarter ce raisonnement, dans la mesure où le diplôme de base du Docteur Hocsman n'est pas communautaire et donc que la directive n'a pas à s'impliquer.

Confronté à une question inédite, le Tribunal a décidé de renvoyer la question à la Cour de Justice des communautés européennes, de façon à pouvoir ensuite prendre sa décision en toute connaissance de cause.

 

3/ La procédure devant la CJCE

Après une procédure longue de 18 mois, la Cour de Justice, apparaît avoir donné raison à Monsieur H.

Ainsi, contre l'avis de la France, de l'Espagne et de l'Italie, la Cour décide que :

a) Les règles communautaires ont pour objet de faciliter l'accès professionnel des ressortissants communautaires et donc l'accès à l'exercice de la médecine.

b) Le fait qu'une directive de 1993 prévoit pour les médecins ressortissant d'un Etat membre la reconnaissance automatique des diplômes délivrés par un Etat membre sans autre examen ni comparaison, n'exclut pas une possibilité de reconnaissance dans une hypothèse non prévue par la directive.

c) Si le diplôme obtenu n'est pas lié directement par la directive, l'article 52 du Traité de Rome doit s'appliquer et l'Etat sollicité ne peut se contenter d'imposer une vérification de compétence.

Il doit comparer l'ensemble des diplômes du demandeur et son expérience aux compétences et diplômes requis par la législation nationale.

En termes clairs, cela signifie que pour refuser au Docteur Hocsman la reconnaissance de son diplôme de médecin généraliste argentin, il ne suffit pas à l'Etat français de constater que ce diplôme ne provient pas d'un Etat membre de l'union européenne.

Il lui faut également vérifier que ce médecin n'a pas acquis une expérience et des titres de nature à rendre cet examen inutile.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Arrêts de la Cour dans les affaires C-238/98 et C-16/99 

Hugo Fernando HOCSMAN et Ministre de l'Emploi et de la Solidarité (affaire C-238/98) Jeff ERPELDING et Ministre de la Santé (affaire C-16/99)

LA COUR DE JUSTICE COMPLÈTE SA JURISPRUDENCE SUR LA RECONNAISSANCE MUTUELLE DES DIPLÔMES MÉDICAUX ENTRE LES TASS MEMBRES

___________________________________________________________________________

La Cour examine la situation d'un ressortissant communautaire ayant acquis un diplôme de docteur en médecine en Argentine et souhaitant exercer son activité en France ainsi que celle d'un médecin luxembourgeois ayant suivi sa formation en Autriche.

Monsieur HOCSMAN, d'origine argentine, est titulaire d'un diplôme de docteur en médecine délivré en 1976 par l'Université de Buenos Aires (Argentine). Il est également titulaire d'un diplôme de spécialiste en urologie délivré en 1982 par l'université de Barcelone (Espagne). M. HOCSMAN a acquis la nationalité espagnole en 1986 et est devenu citoyen français en 1998. Le diplôme argentin de M. HOCSMAN a été reconnu en 1980 comme équivalent au titre espagnol de licencié en médecine et en chirurgie. Ce dernier a ainsi pu exercer la médecine en Espagne et y accéder à une formation de médecin spécialiste. Diverses attestations témoignent du travail exercé par M. HOCSMAN durant plusieurs années en Espagne. Depuis 1990, il a exercé des fonctions d'attaché ou d'assistant associé, spécialiste en chirurgie urologique, dans divers hôpitaux français.

Le 27 juin 1997, le Ministre français de l'emploi et de la solidarité a refusé l'inscription de M. HOCSMAN à l'Ordre national des médecin, son diplôme argentin n'ouvrant pas droit, en vertu de la réglementation française, à l'exercice de la médecine en France.

Monsieur ERPELDING, d'origine luxembourgeoise, est titulaire, depuis 1985, du diplôme de docteur en médecine délivré par l'Université d'Innsbruck (Autriche). Ce diplôme a été homologué, le 11 avril 1986, par le Ministère de l'éducation nationale luxembourgeois. Le Ministère de la santé luxembourgeois a également autorisé M. ERPELDING a exercé la profession de médecin spécialiste en médecine interne au Luxembourg, le 29 août 1991, ce dernier ayant obtenu des autorités compétentes autrichiennes l'autorisation d'exercer cette spécialité le 10 avril 1991. Les mêmes autorités autrichiennes ont délivré à M. ERPELDING le diplôme de médecin spécialiste en médecine interne - secteur cardiologie.

Le 25 avril 1997, le Ministre de la santé luxembourgeois a refusé de permettre à M. ERPELDING de porter le titre de médecin spécialiste en cardiologie, cette discipline ne constituant pas une spécialité reconnue par les autorités autrichiennes. Les autorités luxembourgeoises ont, en effet, fait valoir qu'elles ne pouvaient reconnaître les diplômes que dans leur libellé d'origine, la spécialité invoquée par M. ERPELDING (la cardiologie) n'étant pas reconnue en tant que telle par le pays de formation de l'intéressé.

***

Les juridictions nationales saisies (Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne dans le cas de M. HOCSMAN ; Tribunal administratif de Luxembourg dans le cas de M. ERPELDING) interrogent la Cour de justice des Communautés européennes sur différents aspects des textes communautaires en vigueur en matière de reconnaissance des diplômes.

La Cour relève que l'adoption de directives d'harmonisation relatives à la reconnaissance mutuelle des diplômes, notamment médicaux, vise à instaurer un système obligeant les Etats membres à admettre l'équivalence de certains diplômes sans que ces Etats ne puissent exiger des intéressés le respect d'autres conditions que celles prévues par la directive applicable en la matière.

Une telle reconnaissance mutuelle rend superflue, pour ceux qui remplissent les conditions énoncées dans les directives de reconnaissance, la reconnaissance éventuelle de leurs diplômes par les Etats membres d'accueil en vertu de la jurisprudence que la Cour a développée pour les situations où il n'y a pas de telle reconnaissance automatique.

Selon cette jurisprudence, les autorités nationales saisies de demandes concernant la reconnaissance de diplômes médicaux acquis dans d'autres Etats membres, doivent :

·         prendre en considération, lorsque l'exercice de la spécialité en cause est conditionnée par la possession d'un diplôme ou d'une qualification professionnelle, l'ensemble des diplômes, certificats et autres titres, ainsi que l'expérience pertinente des intéressés 

·         et procéder à une comparaison entre les compétences attestées par ces titres et cette expérience et les connaissances et qualifications exigées par leur législation nationale.

La Cour souligne que cette jurisprudence exprime un principe inhérent aux libertés fondamentales du Traité.

***

Dans ces conditions, la Cour estime que la juridiction nationale saisie devra apprécier si l'équivalence du diplôme de M. HOCSMAN avec le diplôme correspondant en France doit être admise : il sera notamment nécessaire d'examiner si la reconnaissance en Espagne du diplôme argentin de M. HOCSMAN comme équivalent au titre espagnol de licencié en médecine et en chirurgie, a été effectuée sur le fondement de critères comparables à ceux prescrits par le droit communautaire pour garantir aux Etats membre qu'ils peuvent se fier à des diplômes en médecine délivrés par les autres Etats membres.

La Cour estime, par ailleurs, que le droit de porter dans l'Etat membre d'accueil le titre de médecin ou de médecin spécialiste (dans la langue de cet Etat et selon sa nomenclature) est le corollaire nécessaire de la reconnaissance mutuelle des diplômes prévue par la directive communautaire. Cependant, elle constate que ce droit présuppose que le diplôme en question figure sur la liste des diplômes contenue dans la directive communautaire. Cela n'est pas le cas pour le diplôme de M. ERPELDING, la spécialité de cardiologie n'existant pas, en tant que telle, en Autriche. Dans ces conditions, la Cour estime que la directive doit être interprétée comme ouvrant le droit aux médecins de faire usage de leur titre de formation, et éventuellement de son abréviation, dans la langue de l'Etat membre d'origine ou de provenance, l'Etat d'accueil conservant, par ailleurs, la faculté d'autoriser le port du titre concerné dans une autre langue.