Intervention liminaire d’Élisabeth GUIGOU,
Ministre de l’Emploi et de la Solidarité

La réduction du temps de travail  pour la fonction publique hospitalière

Salle des Accords

21 décembre 2000

 

 

Mesdames, Messieurs,

C’est un rôle irremplaçable que joue, dans notre pays, l’hôpital public. Ce rôle va bien au-delà de la simple délivrance des soins. Si les hôpitaux sont le cœur de notre système de santé, ils constituent aussi pour la population un recours en cas d’urgence ou de détresse.

Partout, l’excellence de l’hôpital public français est reconnue.

Cela se traduit par une activité intense. Chaque jour, 250 000 personnes sont accueillies à l'hôpital ou en clinique dont 200 000 pour les seuls hôpitaux.

200 000 interventions chirurgicales ou exploratoires sont réalisées dans les blocs opératoires. Plus d’un million de passages dans les services d’urgences dont les 9/10ème à l'hôpital public.

Ce besoin très important se traduit aussi par une exigence de nos concitoyens pour une qualité renforcée.

Cette immense activité est le résultat du travail d'une communauté humaine forte de près d'un million de femmes et d'hommes qui avec beaucoup de compétence, de dévouement et d’humanité, répondent chaque jour à ce droit essentiel qu’il faut garantir à la population : la santé.

C’est à cette communauté d’hommes et de femmes que je souhaite à travers vous m’adresser ce matin.

En arrivant dans ce ministère, j’ai souhaité rencontrer les professionnels de santé. L’hôpital fait partie de mes priorités et je suis très heureuse d’avoir pu commencer à échanger avec chacun d’entre vous.

Je retiens principalement de ces premiers échanges un attachement profond au service public et, c’est revenu dans tout vos propos, une volonté de moderniser l’hôpital pour que la qualité du service rendu aux patients soit toujours la meilleure possible.

La politique conduite par le Gouvernement depuis plus de trois ans se fonde, vous le savez, sur trois priorités :

1/ l’adaptation de l’offre de soins aux besoins de la population,

2/ la réduction des inégalités d’accès aux soins,

3/ la promotion de la qualité et de la sécurité des soins.

L’hôpital est sans doute le service public où les changements ont été les plus marquants et où aussi l'engagement des personnels pour réformer l'hôpital et améliorer le service public si nécessaire à la population a été sans faille.

Les protocoles des 13 et 14 mars 2000 ont permis de lancer, outre les mesures immédiates, des chantiers importants pour les personnels et les praticiens hospitaliers afin de favoriser la réalisation des évolutions qui sont attendues.

La mise en œuvre de ces protocoles n’est pas achevée et nous continuerons à travailler ensemble pour remplir, les uns et les autres, le contrat que nous avons signé en la matière. La réduction du temps de travail à l’hôpital fait partie de ces engagements. Il convient donc que nous abordions ce chantier désormais prioritaire pour les personnels, pour la qualité du service public et pour les usagers.

Je voudrais, avant de vous parler de ce projet de la réduction du temps de travail, revenir sur votre apport essentiel aux priorités dégagées par le Gouvernement en matière de politique de santé :

Les établissements de santé doivent en permanence s’adapter aux progrès médicaux et aux progrès techniques. Ils le font d’ailleurs de manière spectaculaire tant les enjeux pour la santé des patients sont forts. Le développement de la télémédecine et de l'utilisation des technologies de l'information à l'hôpital progressent très rapidement.

De la même manière, vous êtes attentifs à l’évolution des attentes des patients. Les Etats Généraux de la santé ont mis en évidence la demande des malades exprimant massivement le besoin d’une écoute importante et d’une reconnaissance de la personne.

Je veux revenir brièvement sur les trois priorités poursuivies par le Gouvernement :

1) Première priorité, la réponse aux besoins des malades : Vous avez su apporter des réponses nouvelles aux besoins exprimés par les malades et je veux saluer les efforts considérables qui ont été fait en matière de lutte contre la douleur, de développement des soins palliatifs ou des alternatives à l’hospitalisation complète.

Je pourrais également citer l’important travail réalisé au travers des schémas régionaux d’organisation sanitaire et notamment en matière de cancérologie qui conduit à la mise en place de diagnostic et de suivi médical par des équipes pluridisciplinaires, à une meilleure coordination des équipes médicales concernées et à une utilisation plus optimale des équipements.

Toutes ces réalisations améliorent effectivement les réponses qui sont apportées aux malades, à leurs familles.

2) Seconde priorité, la réduction des inégalités d’accès aux soins, la création d’une couverture maladie universelle permet aujourd’hui de lever tous les obstacles économiques dans l’accès aux soins.

Avec la mise en place des permanences d’accès aux soins de santé, l’hôpital assume pleinement sa mission d’accueil de toute la population, avec un dispositif particulier pour les plus démunis. De même, dans le prolongement de sa mission d’accueil des patients en situation de précarité, l’hôpital organise de mieux en mieux la continuité des soins à l’issue d’un séjour dans ses services.

La réduction des inégalités dans l’accès aux soins passe aussi par une meilleure répartition des moyens entre les régions et entre les établissements. Pour autant, je sais que sur ce point, la péréquation fait l’objet d’un débat dans la communauté hospitalière. Je souhaite, au cours de l’année 2001, lancer une large concertation sur cette question. J’envisage aussi préalablement de procéder à un bilan complet qui apportera les premières pistes de réflexion sur les modalités de la poursuite de cette politique de réduction des inégalités.

3) Troisième priorité, la promotion de la qualité. Là le chemin parcouru est considérable même si, sur cette question, les exigences ne feront que s’accroître compte tenu des progrès médicaux et techniques et de la demande des usagers.

Les comités de lutte contre les infections nosocomiales ont été généralisés à l’ensemble des établissements de santé. Désormais la lutte contre les infections nosocomiales fait partie des missions des établissements de santé au même titre que les soins. Elle implique tous les personnels et la plupart des instances de l’hôpital ont un rôle à y jouer.

L'Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé a lancé en 1999 la procédure d'accréditation. Pour s’y préparer, la plupart des établissements ont aujourd'hui organisé en leur sein des procédures d'amélioration continue de la qualité.

Je l’ai dit aux directeurs des agences régionales de l’hospitalisation, la sécurité des soins est au tout premier rang de mes priorités. La qualité et la sécurité en matière de désinfection et de stérilisation des matériels médicaux sont une priorité absolue pour 2001 : des moyens supplémentaires sont dégagées à cet effet.

Ce bref rappel montre combien l’hôpital, confronté à des enjeux importants, dispose d’une capacité de réaction et d’adaptation.

Mais il faut que nous sachions mieux anticiper les évolutions à venir. Je vous invite à ce sujet à participer à la réflexion qui débutera très prochainement à l’occasion de l’élaboration du schéma national de services collectifs sanitaires. Ce schéma, comme d’ailleurs les huit autres schémas nationaux de services collectifs, a vocation à dessiner à un horizon de vingt ans les perspectives d’évolution des services dans le domaine qui est le nôtre. Le projet de schéma qui sera diffusé par la DATAR dans les régions en début 2001 a été élaboré à partir d’un travail réalisé sous l’autorité de Dominique POLTON, directrice du CREDES.

Les représentants du monde hospitalier doivent participer à cette concertation qui va s’ouvrir dans les régions car, vous le savez, si en matière de santé, l’exercice de prospective est difficile, je crois que de plus en plus nous aurons à tâcher d’anticiper les évolutions qui affecteront l’organisation hospitalière.

Au-delà de ces réflexions, il faut garantir une bonne réponse aux attentes exprimées par les malades à l’égard du système de soins. Cette demande doit dès à présent être prise en compte dans l’organisation du travail.

Vous avez tous attiré mon attention sur la question de la démographie professionnelle. Son évolution doit être effectivement anticipée en prenant en compte, au-delà de l’effectif global, la répartition géographique et l’évolution des métiers. Cela me paraît essentiel.

Ces évolutions mettent à l’ordre du jour des questions qui ne s’étaient pas jusqu’à présent posées avec autant d’acuité en matière d’organisation des soins.

Et je voudrais que l’on ait cela à l’esprit au moment où nous allons réfléchir à l’organisation de l’hôpital afin de mettre en œuvre la réduction du temps de travail dans la fonction publique hospitalière.

Les adaptations aux changements dans les modes de prise en charge et dans la manière de travailler se sont faits rapidement et, lors de nos entrevues, vous m’avez clairement expliqué, tous personnels confondus, ce sentiment de perte des repères et de sens qu’expriment les personnels. Or, c’est ensemble que nous devrons répondre à ces questions que se pose chacun dans l’exercice de son métier.

Ce sont les personnels qui font de notre système de soins un des meilleurs du monde et qui en assurent sa performance. Il faut leur reconnaître toute la place qui est la leur. Le protocole du 14 mars va dans ce sens. Je le confirme et je veux qu’à l’occasion des travaux sur les filières professionnelles et sur la réduction du temps de travail ce premier objectif soit atteint.

J’ai l’ambition que les travaux actuellement en cours sur les filières professionnelles ainsi que ceux qui débuteront le 18 janvier 2001 sur la réduction du temps de travail dans la fonction publique hospitalière donnent un souffle nouveau à la politique des ressources humaines dans la logique du protocole du 14 mars. Car, c’est avec des personnels confiants dans leur avenir et reconnus dans leur rôle que les évolutions se réaliseront efficacement.

Ces deux chantiers sont complémentaires et doivent répondre aux attentes des usagers et des personnels.

Les travaux sur les filières professionnelles sont l’occasion d’amorcer une nouvelle gestion des personnels en donnant des perspectives de carrière, en s’appuyant mieux sur les métiers de l’hôpital et en définissant les rôles et missions de chacun.

La réflexion ne doit pas s’arrêter aux seuls aspects catégoriels, même si ceux-ci sont nécessaires pour répondre aux blocages d’évolution de carrière constatés. Les services et les organisations syndicales travaillent sur ce volet.

Vous me l’avez dit, ce sont des discussions difficiles où l’attente d’un résultat rapide peut être contradictoire avec l ’ampleur du projet. Mais j’en suis convaincue, nous nous inscrivons dans une dynamique d’amélioration de la qualité qui doit nous permettre de concilier ces différents objectifs.

Les travaux engagés doivent aboutir à une cartographie des emplois hospitaliers afin de donner une lisibilité des cursus professionnels ; décloisonner les filières, ouvrir des parcours diversifiés et reconnaître la place des professions et des métiers.

Les personnels hospitaliers, et en particulier les soignants qui représentent plus de 60 % des effectifs ont une ancienneté moyenne qui a quasiment doublé en 15 ans. Ce phénomène ne s’inversera pas. Les aspirations et les attentes ne sont pas les mêmes. Il faudra les prendre en compte.

Ces travaux doivent aussi redonner une place plus grande à la formation professionnelle. C’est un des points forts du protocole du 14 mars. D’ores et déjà, ce sont 30 % des moyens supplémentaires de remplacement qui sont dédiés à la formation professionnelle ; c’est la création, pour les aides-soignants, de la voie qualifiante d’entrée dans les instituts de formation en soins infirmiers. Rapidement d’autres mesures seront mises en œuvre: le rallongement du congé de formation professionnelle dont le décret est au contreseing et la création du bilan de compétences qui sera intégrée dans le projet de loi de modernisation sociale.

La création, dans le courant du premier semestre 2001, de l’observatoire de l’emploi et des métiers assurera la permanence de la réflexion et donc de l’adaptation des métiers aux évolutions techniques et aux attentes des usagers. C’est grâce à cette vision plus prospective que nous développerons ensemble, que nous saurons mieux répondre aux demandes des personnels de comprendre et de participer à la mise en œuvre de la politique hospitalière.

La réduction du temps de travail est, je crois, une opportunité pour les personnels et pour les établissements. Elle est en cohérence avec la démarche sur les filières professionnelles. Elle doit aboutir à plus de qualité : qualité des soins pour le malade, qualité d’accueil des familles, qualité de vie professionnelle et privée pour les personnels.

Je veux vous donner maintenant des indications de calendrier et de méthode.

J’ouvrirai le chantier sur la réduction du temps de travail dans la fonction publique hospitalière le 18 janvier 2001.

Auparavant, j’aurai présenté début janvier le projet de loi portant réforme de l’ordonnance de 1982. Ce projet de loi est nécessaire pour permettre de modifier notamment la durée légale du travail et fixer les objectifs. Mais, il est bien clair que l’ordonnance ne sera pas abrogée tant que l’accord sur la réduction du temps de travail que nous négocierons l’année prochaine n’entrera pas en vigueur. Si le projet de loi devait être discuté en 1ère lecture à l’Assemblée Nationale dès le début janvier 2001, de toute façon le travail parlementaire, les navettes qui auront lieu au long de l’année 2001 doivent nous permettre de faire coïncider l’adoption définitive du projet de loi et le déroulement de nos négociations.

Les personnels de la fonction publique hospitalière (environ 725 000), travaillent pour plus de 80 % d’entre eux dans les établissements publics de santé. Ils sont aussi dans les établissements médico-sociaux et sociaux. C’est donc l’ensemble de ce champ que nous avons à prendre en compte.

Tous les acteurs concourrant à la prise en charge de la population dans ces différents secteurs sont concernés. Les personnels de la fonction publique hospitalière au premier titre, les médecins hospitaliers dont l’activité, pour partie, détermine l’organisation des services mais aussi les autorités de tutelle dans le cadre de l’organisation du système régional et national dont ils ont la responsabilité.

Les organisations de travail doivent être adaptées aux attentes des usagers et s’inscrire dans les missions dévolues à ces établissements tout en répondant aux aspirations des personnels aussi bien dans l’exercice de leur métier que dans leur vie privée. Les enjeux sont importants, indissociables et c’est en cela que je suis convaincue que le chantier que nous ouvrons est une formidable opportunité à saisir pour repenser nos modes d’organisation.

Lorsque je dis que ce chantier est en cohérence avec la démarche sur les filières professionnelles c’est parce que toute réflexion sur l’organisation porte sur la place des professionnels.

La méthode que je vous propose pour conduire ce chantier est la suivante :

- La première étape est de négocier un cadre national.

Lors de nos réunions, j’ai entendu la demande, partagée par l’ensemble des organisations syndicales, d’avoir avant toute démarche locale un cadrage national fixant les règles d’organisation et de définition du temps de travail.

J’espère que ce cadrage national pourra être prêt pour fin-mars, afin de permettre ensuite que sur cette base une réglementation puisse être établie.

Je vous propose donc que nous puissions engager au plus vite des négociations qui, espérons le, aboutiront à un accord sur ce cadrage.

- La seconde étape, essentiellement locale, est fondamental e puisqu’elle concernera le diagnostic de l’organisation existante dans chaque établissement employant des personnels de la fonction publique hospitalière : Cette étape locale est absolument essentielle. Dès que le cadre national sera élaboré, au printemps, les établissements disposeront des éléments pour engager ce diagnostic.

Cette étape implique l’ensemble des personnels de l’établissement dans une analyse de leur organisation du travail dans leur propre service et dans les relations avec les autres services. Au-delà de la seule réduction du temps de travail, l’objectif est de mettre à plat les organisations et de faire apparaître les dysfonctionnements qui sont facteurs de démotivation pour les personnels et d’irritation pour les usagers.

Les établissements pourront s’appuyer pour cela sur un guide qui fera partie des négociations lors du cadrage national.

L’implication des médecins comme de l’ensemble de l’encadrement est fondamental. La réussite de la RTT dans la fonction publique hospitalière dépend de la qualité de la réalisation de ce diagnostic.

- La troisième étape portera sur la procédure d’allocation de moyens supplémentaires permettant des créations d’emplois pour la mise en œuvre de la réduction du temps de travail. Elle sera fixée à la fin du premier semestre 2001 et fera l’objet d’une concertation. Sans préjuger de nos discussions en ce domaine il conviendra sur ce point aussi, et surtout peut-être, de trouver des réponses adéquates.

- Enfin, la quatrième étape portera sur les négociations locales sur la réduction du temps de travail.

Les modalités de chacune des étapes, instances de suivi et les coordinations à mettre en place tant au niveau régional que national font évidemment partie de la négociation sur le cadre national.

La mise en place de la réduction du temps de travail se fera au 1er janvier 2002.

Nous savons d’ores et déjà que certains emplois seront difficiles à pourvoir malgré la décision importante que le gouvernement a pris cette année en augmentant de 8000 le nombre de places dans les instituts de formation en soins infirmiers après les avoir déjà relevé de 2000 sur les deux années précédentes. Ce point fera l’objet de nos discussions lors de l’élaboration du cadrage national.

Nous allons donc mener ensemble ce projet tout au long de l’année 2001. Il impliquera l’engagement de tous. Je sais pouvoir compter sur vous.

   

                                                              page d'accueil du SNPAC

 

*

*               *