Les bases de la future réforme de l'hôpital
sont désormais jetées
Sarkozy fera son marché jeudi dans le rapport
Larcher
« Que personne ne pense que ce travail est
un aimable rapport de plus. » Le chef de l'Etat l'a dit
clairement dès qu'il les a eues en main : les propositions du sénateur
Gérard Larcher pour réformer l'hôpital ne finiront pas aux
oubliettes. Le dossier recevra dès jeudi une nouvelle impulsion présidentielle.
PROGRAMMÉE par Nicolas Sarkozy dès son arrivée
à l'Elysée, la réforme de l'hôpital entre cette semaine dans une
nouvelle phase. Ceux qui vont en négocier les principes avec la
ministre de la Santé – et les choses pourraient aller vite, les
syndicats de PH ont par exemple rendez-vous dans deux jours avec
Roselyne Bachelot – disposent désormais des pistes de travail du
rapport Larcher. Un éventail très large que le chef de l'Etat
devrait un peu resserrer dès jeudi à l'occasion d'un déplacement en
province : il a prévenu qu'il avait l'intention de «tracer les
grandes orientations de la réforme».
D'ores et déjà, en recevant des mains de son
auteur le « rapport de la commission de concertation sur les missions
de l'hôpital », le président de la République n'a pas fait mystère
de ses priorités : l'instauration de « communautés hospitalières
de territoire » a ses faveurs – «J'en attends des améliorations
tangibles du service pour le patient, a-t-il précisé : moins
d'attente aux urgences, une prise en charge plus rapide de l'accident
vasculaire cérébral.» –, ainsi que le renforcement du
pilotage des établissements par leur directeur – «l'hôpital a
avant tout besoin d'un patron» – ou l'assouplissement de leurs
règles de gestion. La réforme du statut des médecins hospitaliers
semble aussi retenue par le chef de l'Etat qui en fait l'un des «ferments
de la renaissance de l'hôpital public». En attendant qu'il se dévoile
plus, la lecture des propositions du sénateur Larcher donne une idée
de la philosophie d'une réforme qui se déclinera à la fois par voie
réglementaire et, à l'automne, dans la plus large loi dite « de
modernisation de la santé ».
Vétérinaire dans une autre vie, Gérard Larcher
n'a finalement pas proposé de remède de cheval pour sauver l'hôpital
public – il n'a voulu se transformer, explique-t-il, «ni en
cartographe ni en auditeur comptable». Il a préféré faire
preuve de «pragmatisme» et retenir ce sont ses propres
termes, des mesures «digestibles». Sa potion, déclinée en
seize points, repose pour beaucoup sur l'incitatif, l'optionnel, le réversible.
Extraits.
Médecins à l'hôpital: trois possibilités
La rémunération et le recrutement des praticiens
de l'hôpital sont revus. Trois cas de figure sont possibles. Le
premier est que… rien ne change : les PH qui le souhaitent restent
PH avec un statut invariant. Le deuxième est un aménagement de ce
statut de PH vers une version hybride mais réversible associant une
part de rémunération fixe et une part variable, des « valences »,
reconnaissant les responsabilités assumés par un médecins au sein
de l'hôpital, son niveau d'activité, la pénibilité de son travail,
ses fonctions d'enseignement ou de recherche… Cette part variable
pourra être complétée par un intéressement collectif aux résultats
financiers de l'hôpital.
Troisième possibilité : une activité
contractuelle dans laquelle sont fondus les actuels assistants, les
praticiens contractuels et les attachés. Soumis au droit du travail,
ces médecins (temps plein ou partiel) seront rémunérés en fonction
de leur niveau d'activité clinique. L'idée n'est pas exclue – mais
elle coûterait cher – de rapprocher dans ce troisième cadre les rémunérations
publiques et privées.
Pour le reste, le secteur privé à l'hôpital est
maintenu. Possibilité est ouverte aux médecins libéraux de
travailler à l'hôpital à temps partiel en étant rémunérés à
l'acte.
La nomination des médecins révisée
La nomination des médecins hospitaliers (sujet déjà
épineux dans le cadre d'Hôpital 2007) revient sur le tapis : la
mission Larcher propose que pour les « statutaires », ce soit l'ARS
(future agence régionale de santé) qui s'en charge, sur proposition
du directeur de l'établissement ; logiquement, le directeur
s'occupera directement du recrutement des contractuels nouvelle
formule.
Les patients urgents… aux urgences
Soucieux d'assurer la «pertinence des recours
à l'hôpital», le rapport Larcher milite pour l'amélioration
de la régulation des urgences et de la permanence des soins, se
proposant notamment de confier aux ARS la responsabilité de
l'ensemble du dispositif de PDS (« le Quotidien » reviendra demain
sur ce point précis). Pour mieux gérer le flux des patients non
programmés et éviter l'embouteillage des structures d'urgence, l'idée
est avancée d'organiser des consultations non programmées de spécialités
à l'hôpital.
Les communautés hospitalières de
territoire
Sur le modèle de l'intercommunalité, les hôpitaux
publics d'un même territoire sont incités – l'opération n'est pas
obligatoire – à se regrouper en « CHT », nouvelle catégorie d'établissement
public qui, nantie d'une équipe de direction commune, élaborera à
une nouvelle échelle des programmes d'investissement, une stratégie
médicale, gérera ses médecins et ses cadres, mutualisera ses
fonctions logistiques… La carotte ? Les CHT seront les seuls hôpitaux
à pouvoir bénéficier des aides publiques à la contractualisation
et aux investissements ; leurs règles de gestion, tout comme celles
des CHU, seront assouplies (notamment en matière de marchés et de
comptabilité). Le rapport Larcher prévoit une évaluation des CHT
dans deux ans.
Des vrais patrons
La « nouvelle gouvernance » des hôpitaux, telle
qu'instituée par Hôpital 2007, est révisée dans les CHU (selon un
modèle qui vaut aussi pour les CHT). Conseil d'administration et
conseil exécutif cèdent la place à un conseil de surveillance et à
un directoire.
Dans le premier, siègent des élus, représentants
du personnel médical et non médical, personnalités qualifiées et
un représentant de l'assurance-maladie ; le président, toujours élu,
n'est plus le maire de droit – il peut être un élu ou une
personnalité qualifiée. Ce CA nouvelle mouture valide la stratégie
de l'établissement et surveille ses finances.
Lieu de « la stratégie médicale », le
directoire, est présidé comme son nom l'indique par le directeur de
l'établissement (le président de la CME en étant vice-président) ;
il réunit les représentants des responsables de pôle et le
directeur des soins.
Le recrutement des directeurs de CHT et de CHU est
élargi. Sous la surveillance du CNG (centre national de gestion) et
après nomination par les ARS, des DG « non EHESP » pourront donc
officier.
Des contrats de service public pour les
cliniques
Les cliniques participant à la permanence des
soins, s'engageant en matière de modération tarifaire ou d'accueil
des patients en CMU… signeront pour cela des contrats avec les ARS.
Ces contrats seront déclinés dans une « clause d'ordre public »
des contrats individuels des médecins.
Dans les cliniques « admises au service public »,
la mission Larcher souhaite que les compétences des CME soient étendues.
Une approche interrégionale de
l'enseignement et de la recherche
C'est un gros chapitre du rapport Larcher qui
plaide pour un renforcement du lien universités-hôpitaux et estime
que seules des équipes de taille suffisante et de compétence avérée
pourront assurer la triple mission soins-enseignement-recherche.
> KARINE PIGANEAU
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Entre satisfaction et suspicion
Est-ce lié à la bonhomie de son auteur ? La
publication du rapport Larcher a donné lieu à nombre de louanges.
La FHF (Fédération hospitalière de France), les Conférences et
syndicats de directeurs ont exprimé leur satisfaction. Et pour
cause. Ainsi que le résume Paul Castel, président de la Conférence
des DG de CHU, «le rapport reprend plusieurs des préconisations
que nous faisons depuis des années sur le management en
particulier. On est sur la bonne voie». Saluant «l'ambition
incontestable pour l'hôpital» portée par le sénateur
Larcher, le SNCH (Syndicat national des cadres hospitaliers)
regrette toutefois que le rapport n'aille «pas assez loin»
en matière de pilotage et d'efficience.
Du côté des médecins hospitaliers, on oscille
entre un enthousiasme mesuré et l'expression de quelque doutes.
Chez les représentants des CME, la tonalité est positive –
Francis Fellinger, président de la Conférence des présidents de
CME de CH, rend «hommage à la capacité d'écoute et de négociation
de Gérard Larcher» –, même si, comme l'explique Alain Destée,
président de la Conférence des présidents de CME de CHU, «des
propositions méritent encore quelques travaux pour être affinées».
Les syndicats sont plus critiques. La CMH (Coordination médicale
hospitalière) déplore les allures d'inventaire «à la Prévert»
du rapport Larcher et émet des doutes sur les orientations retenues
: «La réforme par la concurrence, par le marché, est
inflationniste et sans garantie sur la qualité», met en garde
son président, le Dr François Aubart. A l'INPH (Intersyndicat
national des praticiens hospitaliers), Rachel Bocher constate, déçue,
que Gérard Larcher «a essayé de faire plaisir à tout le
monde» et que cela l'a conduit «à formuler toutes sortes
de propositions, parfois incompatibles». Quant aux médecins
libéraux, ils expriment par la voix de l'UMESPE (Union nationale
des médecins spécialistes confédérés) «des doutes sur
l'efficacité des moyens proposés» pour mettre en oeuvre la réforme.
En toute logique, c'est du côté de l'opposition
politique que se recrutent les plus insatisfaits – l'UMP saluant
pour sa part les solutions «pertinentes et lucides» de Gérard
Larcher. Le député socialiste de la Nièvre Christian Paul, grand
défenseur des hôpitaux de proximité, dénonce un «habillage
théorique de la carte hospitalière». Son parti est un peu
moins sévère, qui voit dans le rapport Larcher un «Janus aux
deux visages» et dit en attendre «la traduction politique»
pour juger de la capacité du gouvernement de «réformer l'hôpital
en gardant l'esprit de service public». La LCR n'aura pas
cette patience, qui met en garde : «La santé n'est pas une
marchandise.»> K. P.
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Le Quotidien du Médecin du : 14/04/2008
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