« Nous voulons être le modèle d’une intégration réussie »
24 avril 2002

« Les praticiens de nuit veulent voir le jour ». C’est le message que veulent faire passer les Praticiens adjoints à diplôme hors union européenne (PADHUE) en organisant demain une journée de mobilisation. « Maintenir les praticiens adjoints à diplôme hors union européenne dans la précarité conduira à mettre la vie de l’hôpital public en danger » estiment-ils. Pour se faire entendre, ils décident de faire la grève des soins non urgents et de mettre sur pied « une attaque électronique » en envoyant mails et fax pour sensibiliser le public. Les PADHUE ont reçu le soutien de l'intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH). Serdar Dalkilic, président du Syndicat national des praticiens adjoints contractuels (SNPAC) nous explique les motivations de ce mouvement.

Quelle est la situation actuelle des Praticiens adjoints à diplôme hors union européenne (PADHUE) ?
Nous trouvons que malgré les efforts des PADHUE pour s’intégrer à l’hôpital, il y a encore des blocages. Nous avons passé tous les examens possibles et imaginables, nous avons fait tous les efforts nécessaires et nous sommes bloqués dans notre intégration alors que nous voulons être le modèle d’une intégration réussie. Avec le même travail, la même compétence, un Praticien adjoint contractuel (PAC) reste payé moitié moins qu’un praticien hospitalier (PH). Nous avons la nationalité française, nous avons passé tous les concours qu’on nous demandait de passer et nous ne sommes pas intégrés à l’hôpital ! 

D’après vous, qu’est-ce qui explique cette situation ?
Il existe des blocages à tous les niveaux. La situation des PADHUE est très hétérogène. Sur 10 000 ou 11 000 praticiens à diplôme étranger, 1 900 ont le concours de praticiens hospitaliers. Parmi eux, seuls 300 ont un poste. Le ministère s’était engagé à transformer 700 postes mais l’ARH a utilisé le budget pour d’autres opérations. Sur un budget prévu pour 100 postes, seuls 45 ont été transformés ! Même le ministère n’arrive pas à faire pression sur l’ARH… Nous trouvons qu’il est scandaleux que le budget consacré à un corps qui a fait la preuve de sa volonté d’intégration, sa ténacité, d’une moyenne d’âge de 45 ans soit employé à autre chose !

Lorsque vous présentez à l’ARH ces arguments, que vous répond-elle ?
On nous dit que l’ARH a ses propres soucis budgétaires et que les hôpitaux doivent aussi faire un effort ! On sait très bien que les hôpitaux sont déjà au bord de la faillite ! Nous menons des négociations mais ce que nous arrivons à obtenir disparaît ! 

A quelles ARH faîtes-vous allusions ?
A celles de l’Ile de France, de PACA, et de Rhône-Alpes. Il y a heureusement des ARH qui jouent bien le jeu.

Que vous disent les autorités de tutelle face à cette situation ?
Elles nous répondent qu’il est difficile de faire pression car l’ARH a une certaine autonomie. Il n’existe pas de contrôle sur la façon dont sont utilisés les budgets.

Dans vos communiqués de presse, vous évoquez d’autres préoccupations…
Pour obtenir le concours PH, il faut passer devant des jurys. Certains d’entre eux sont influencés par des lobbies qui bloquent la situation. Il est bien évident que les jurys sont souverains : nous avons toujours voulu nous intégrer par la grande porte et nous ne demandons pas de passe-droits. Sur la question du niveau, le jury est souverain ! Mais quand on arrive au concours, il y a déjà une sélection naturelle : si un médecin qui travaille depuis des années dans un service de chirurgie est mauvais, ça se sait ! Je ne pense pas que les difficultés rencontrées au niveau du concours soient toujours liées à une question de niveau… Dans certaines spécialités – chirurgiens, radiologues, anesthésistes -  il existe également des barrages. Certains médecins, chirurgiens dans leurs pays d’origine, exercent à l’hôpital sans en avoir la qualification officielle : ils ont l’autorisation d’exercer, ils sont inscrits au registre de l’Ordre mais en tant que généraliste. La situation est totalement paradoxale. Mais si on leur donne la qualification, ils auront le droit de s’installer dans le privé. Certains médecins à diplôme étranger qui ne sont pas PAC, qui n’ont pas réussi le CSCT, ou qui n’ont pas rempli les conditions pour pouvoir s’y inscrire continuent à travailler dans des conditions très précaires. Que vont-ils devenir ? Aucun texte ne prend en compte leur situation.

Que va-t-il se passer pour eux ?
Ils peuvent continuer à travailler comme attachés ou FFI. On les appelle les « gardiologues ». Parfois, ils y laissent leur peau. Quand on fait vingt gardes par mois, qu’est-ce que cela peut donner ? 90 % d’entre nous ont la nationalité française. Nous avons passé tous les examens. Nous avons fait les efforts mais on ne nous donne toujours pas de bonnes conditions de travail.

Il y a un an environ, vous aviez déjà  engagés un certain nombre d’actions et de discussions. Le ministère n’a-t-il pas tenu ses promesses ?
S’il y a un ministère avec lequel nous avons avancé dans la bonne direction, c’est avec celui de Mr Kouchner. Aujourd’hui, nous voulons alerter les gens : 60 % des gardes sont assurés par nous et la base est très remontée. 

Vous ne craigniez pas que vos actions passent inaperçues entre les deux tours de l’élection présidentielle ?
Au contraire, nous sommes dans le sujet. Le débat tourne autour de l’intégration. Nous représentons une des plus grandes organisations d’intellectuels d’origine étrangère.

Vous pensez que les PADHUE subissent une discrimination ?
Je ne pense pas qu’il s’agisse de discrimination raciale : c’est plutôt de la léthargie. Il y a cinq ou six ans, tout le monde travaillait dans l’illégalité. Mme Veil a ouvert une brèche. Il y a des progrès mais lentement. L’âge moyen des PADHUE est 45 ans et on ne veut pas encore attendre sept ans ! L’hôpital public manque de moyens et a fait beaucoup d’économies en faisant travailler les gens mois chers. On est au 21ème siècle. On est en France. C’est inacceptable.

Propos recueillis par Céline Bergès