« Les praticiens de nuit veulent voir le jour ». C’est le message que veulent faire passer les Praticiens adjoints à diplôme hors union européenne (PADHUE) en organisant demain une journée de mobilisation. « Maintenir les praticiens adjoints à diplôme hors union européenne dans la précarité conduira à mettre la vie de l’hôpital public en danger » estiment-ils. Pour se faire entendre, ils décident de faire la grève des soins non urgents et de mettre sur pied « une attaque électronique » en envoyant mails et fax pour sensibiliser le public. Les PADHUE ont reçu le soutien de l'intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH). Serdar Dalkilic, président du Syndicat national des praticiens adjoints contractuels (SNPAC) nous explique les motivations de ce mouvement.
Quelle est la situation
actuelle des Praticiens adjoints à diplôme hors union européenne (PADHUE) ?
Nous trouvons que
malgré les efforts des PADHUE pour s’intégrer à l’hôpital, il y a
encore des blocages. Nous avons passé tous les examens possibles et
imaginables, nous avons fait tous les efforts nécessaires et nous sommes
bloqués dans notre intégration alors que nous voulons être le modèle
d’une intégration réussie. Avec le même travail, la même compétence, un
Praticien adjoint contractuel (PAC) reste payé moitié moins qu’un
praticien hospitalier (PH). Nous avons la nationalité française, nous avons
passé tous les concours qu’on nous demandait de passer et nous ne sommes
pas intégrés à l’hôpital !
D’après vous, qu’est-ce
qui explique cette situation ?
Il existe des blocages à
tous les niveaux. La situation des PADHUE est très hétérogène. Sur 10 000
ou 11 000 praticiens à diplôme étranger, 1 900 ont le concours de
praticiens hospitaliers. Parmi eux, seuls 300 ont un poste. Le ministère s’était
engagé à transformer 700 postes mais l’ARH a utilisé le budget pour
d’autres opérations. Sur un budget prévu pour 100 postes, seuls 45 ont été
transformés ! Même le ministère n’arrive pas à faire pression sur
l’ARH… Nous trouvons qu’il est scandaleux que le budget consacré à un
corps qui a fait la preuve de sa volonté d’intégration, sa ténacité,
d’une moyenne d’âge de 45 ans soit employé à autre chose !
Lorsque
vous présentez à l’ARH ces arguments, que vous répond-elle ?
On nous dit que l’ARH a
ses propres soucis budgétaires et que les hôpitaux doivent aussi faire un
effort ! On sait très bien que les hôpitaux sont déjà au bord de la
faillite ! Nous menons des négociations mais ce que nous arrivons à
obtenir disparaît !
A
quelles ARH faîtes-vous allusions ?
A celles de l’Ile de
France, de PACA, et de Rhône-Alpes. Il y a heureusement des ARH qui jouent
bien le jeu.
Que vous
disent les autorités de tutelle face à cette situation ?
Elles nous répondent
qu’il est difficile de faire pression car l’ARH a une certaine autonomie.
Il n’existe pas de contrôle sur la façon dont sont utilisés les budgets.
Dans vos
communiqués de presse, vous évoquez d’autres préoccupations…
Pour obtenir le concours
PH, il faut passer devant des jurys. Certains d’entre eux sont influencés
par des lobbies qui bloquent la situation. Il est bien évident que les jurys
sont souverains : nous avons toujours voulu nous intégrer par la grande
porte et nous ne demandons pas de passe-droits. Sur la question du niveau, le
jury est souverain ! Mais quand on arrive au concours, il y a déjà une
sélection naturelle : si un médecin qui travaille depuis des années
dans un service de chirurgie est mauvais, ça se sait ! Je ne pense pas
que les difficultés rencontrées au niveau du concours soient toujours liées
à une question de niveau… Dans certaines spécialités – chirurgiens,
radiologues, anesthésistes - il existe également des barrages.
Certains médecins, chirurgiens dans leurs pays d’origine, exercent à l’hôpital
sans en avoir la qualification officielle : ils ont l’autorisation
d’exercer, ils sont inscrits au registre de l’Ordre mais en tant que généraliste.
La situation est totalement paradoxale. Mais si on leur donne la
qualification, ils auront le droit de s’installer dans le privé. Certains médecins
à diplôme étranger qui ne sont pas PAC, qui n’ont pas réussi le CSCT, ou
qui n’ont pas rempli les conditions pour pouvoir s’y inscrire continuent
à travailler dans des conditions très précaires. Que vont-ils devenir ?
Aucun texte ne prend en compte leur situation.
Que va-t-il se passer pour
eux ?
Ils peuvent continuer à
travailler comme attachés ou FFI. On les appelle les « gardiologues ».
Parfois, ils y laissent leur peau. Quand on fait vingt gardes par mois,
qu’est-ce que cela peut donner ? 90 % d’entre nous ont la nationalité
française. Nous avons passé tous les examens. Nous avons fait les efforts
mais on ne nous donne toujours pas de bonnes conditions de travail.
Il y a
un an environ, vous aviez déjà engagés un certain nombre
d’actions et de discussions. Le ministère n’a-t-il pas tenu ses promesses ?
S’il y a un ministère
avec lequel nous avons avancé dans la bonne direction, c’est avec celui de
Mr Kouchner. Aujourd’hui, nous voulons alerter les gens : 60 % des
gardes sont assurés par nous et la base est très remontée.
Vous ne craigniez pas
que vos actions passent inaperçues entre les deux tours de l’élection présidentielle ?
Au contraire, nous
sommes dans le sujet. Le débat tourne autour de l’intégration. Nous représentons
une des plus grandes organisations d’intellectuels d’origine étrangère.
Vous
pensez que les PADHUE subissent une discrimination ?
Je ne pense pas qu’il
s’agisse de discrimination raciale : c’est plutôt de la léthargie.
Il y a cinq ou six ans, tout le monde travaillait dans l’illégalité. Mme
Veil a ouvert une brèche. Il y a des progrès mais lentement. L’âge
moyen des PADHUE est 45 ans et on ne veut pas encore attendre sept ans !
L’hôpital public manque de moyens et a fait beaucoup d’économies en
faisant travailler les gens mois chers. On est au 21ème siècle.
On est en France. C’est inacceptable.
Propos recueillis par Céline Bergès