La
FPS réunit son 13e congrès Jamil
Amhis : « Je me sens profondément citoyen » La
Fédération des praticiens de santé (FPS), porte-voix depuis treize ans
des médecins à diplôme étranger, se réunit demain en congrès.
L’occasion de faire le point avec son président, le Dr Jamil
Amhis, sur la situation des « anciens », sur les conditions
d’arrivée des « nouveaux » et, actualité oblige, sur ce
que peut signifier, pour un praticien d’origine étrangère exerçant en
France, la notion d’identité nationale. LE
QUOTIDIEN – Votre syndicat réunit demain à Paris son 13e
congrès. Vous allez notamment y parler de la retraite. Auriez-vous
vieilli ? Dr JAMIL
AMHIS – Oui. Ce qui n’empêche pas que nous soyons toujours
aussi motivés dans nos combats. Et si nous parlons des retraites c’est
parce que : effectivement nous avons vieilli ;
nous avons des carrières
courtes ;
pendant
des années, nous avons été particulièrement mal payés. La question se
pose donc pour nous en termes spécifiques et nous demandons par exemple
que le mode de calcul de notre ancienneté soit revu (nous souhaitons
comptabiliser les années que nous avons pu effectuer à l’étranger).
Nous voulons aussi obtenir des conditions particulières de rachat d’années
de retraite. Vous
avez derrière vous une longue lutte pour régulariser les médecins à
diplôme étranger et les faire accéder à un statut « normal ».
Fort de ce combat, comment jugez-vous le phénomène du mercenariat à
l’hôpital ? C’est
une erreur. Le mercenariat détruit la notion d’équipe et s’attaque,
de façon insidieuse, à toute l’échelle des valeurs professionnelles
et des statuts existants. Comment
s’est déroulée la dernière procédure officielle de recrutement de
nouveaux médecins étrangers (la PAE – voir encadré) ?
Les candidats à l’exercice
en France sont-ils toujours aussi nombreux que par le passé ? Ils
sont plus nombreux !
Ce qui prouve
que cette « procédure d’autorisation d’exercice » ne
fonctionne pas si mal que cela, qu’elle ouvre bel et bien des possibilités
d’intégrer le système médical français, qu’elle donne une
perspective de nouvelle vie pour ceux qui viennent de pays où les choses
sont difficiles. Reste la question de l’obtention d’un terrain de
stage pour les lauréats, qui n’a rien d’évident. Cette
procédure permet-elle, comme la loi le lui demande, d’encadrer toutes
les arrivées de médecins étrangers ou bien des filières parallèles
continuent-elles d’exister ? Pour
l’instant, la PAE semble en tout cas améliorer les choses mais il faut
attendre, pour avoir une bonne visibilité, que la réforme de l’AFS et
de l’AFSA [Attestations de formation spécialisée simple ou
approfondie, qui sont un autre point d’entrée dans le système, NDLR]
soit complète. Les données seront alors centralisées, on saura où sont
les gens. Le
débat sur l’identité nationale revient sur le devant de la scène.
Comment, en tant que médecin français d’origine étrangère exerçant
et vivant en France, l’envisagez-vous ? Je
ne veux pas aborder cette question avec ma casquette de syndicaliste,
apolitique. Mais je pense que l’identité nationale est un sujet supra
politique. Plusieurs
idées. Comment peut-on, d’abord, se sentir « citoyen »
quand on vous demande tous les jours dans votre pays le mode d’obtention
de votre nationalité ?
Comment peut-on se sentir « citoyen » quand les médias, quand
ils
parlent de vous, précisent systématiquement que vous êtes « d’origine
ceci ou d’origine cela » ?
Par ailleurs, je le dis avec beaucoup de précautions, le
débat sur l’identité nationale ne doit pas se résumer à un débat
contre les musulmans. Moi, en ce moment, j’entends beaucoup parler de la
burka, du voile, de la communauté maghrébine… Des sujets à propos
desquels se posent, c’est vrai, de réelles questions mais l’identité
nationale, ce n’est pas « que » cela !
C’est aussi la disparition de la chanson française à la télévision,
l’inflation des McDonald’s dans la rue… Le débat est nécessaire,
il ne doit pas être manipulé politiquement. Vous-même,
vous sentez-vous « citoyen » ? Il
est terriblement difficile de s’intégrer dans ce pays. Pour nous,
universitaires, cela a représenté 15 années de combat, alors pour
des gens qui arrivent sans diplôme… !
Sur le papier, il n’y a pas deux types de Français,
pourtant, c’est la réalité des faits… Malgré tout, oui, je me sens
profondément citoyen, c’est même pour moi une évidence. L’hôpital
est-il un milieu d’intégration difficile ? Cela
dépend des endroits. Moi, j’ai eu la chance d’arriver dans une
structure où j’ai fait mon trou grâce à mon travail. Sur un plan plus
général, on peut être optimiste et dire que, d’une certaine manière,
l’hôpital montre l’exemple : aujourd’hui, les gars issus de
notre syndicat sont chefs de service, présidents de CME !
Finalement, pour nous, si les choses sont allées très lentement de nos
points de vue individuels de citoyens, elles ont évolué assez rapidement
à l’échelle de l’histoire. Ce résultat, nous l’avons obtenu par
notre volonté, parce que, encore une fois, nous sommes une émigration
d’universitaires – nous ne sommes pas les gens qui ont fait les
routes ou les ponts –, nous avons compris qu’il fallait nous
battre et comment il fallait le faire, et nous avions les outils pour
avancer. À ce sujet, nous pouvons quand même remercier ce pays de nous
avoir permis de créer… un syndicat ! › PROPOS
RECUEILLIS PAR KARINE PIGANEAU |
Le
Quotidien du Médecin du : 20/11/2009 |
Autorisation d’exercice : flambée des candidatures Exactement 3 552 candidats se sont porté candidats aux dernières épreuves de la procédure d’autorisation d’exercice (PAE), passage désormais obligé pour un exercice régularisé de la médecine dans le système de soins français. En 2008, ils étaient 2 142. La progression est donc spectaculaire. La FPS estime que les deux tiers des candidats de cette édition 2009 ne sont pas des nouveaux arrivants (pour qui la PAE est un concours) mais des médecins à diplôme extra-européen déjà en exercice dans les hôpitaux français (pour qui la PAE est un examen). Pourquoi cette flambée ? Parce que la procédure a été, pour la première fois, ouverte aux praticiens arrivés en France après 2004. Parce que la fin de cette fenêtre de régularisation se rapproche pour les « anciens » : en cas d’échec aux épreuves, ils n’ont droit qu’à trois chances ; en 2011, le dispositif sera fermé pour eux. |
Le Quotidien du Médecin du : 20/11/2009 |