Rapport du SNPAC
Commission des Chirurgiens-Dentistes
Edition du 20 décembre 2000 Drs Rafik Allal, Mokrane Sahari et Hani-Jean Tawil
Intégration
des chirurgiens-dentistes à diplôme hors Union
Européenne.
Les chirurgiens-dentistes, ayant obtenu un diplôme hors Union Européenne sont les seuls oubliés des lois de 1995 et 1999. En effet, le service de tutelle a expliqué que, dans les lois du 4 février 1995 et la loi CMU du 27 juillet 1999, cette catégorie de professionnels a été réellement « oubliée ». Il est essentiel et urgent que la tutelle reconnaisse enfin le statut de chirurgiens-dentistes et agisse pour une amélioration des voies de leur accès à la pratique et à leur intégration professionnelle.
Lorsque
ces chirurgiens dentistes obtiennent l’examen de contrôle des connaissances
(loi de 1972), ils n’obtiennent pas l’autorisation d’exercice avant une
dizaine d’années d’attente. Les rares qui travaillent dans la fonction
publique (hospitalière et prévention dans les collectivités) n’ont pas de
statut et exercent en tant que vacataires, et la grande majorité se retrouve en
exclusion professionnelle.
• Les chirurgiens-dentistes sont régis par l’article 4113-6 (ancien L.356) du code de la santé publique tout comme les médecins.
• Il existe actuellement deux procédures gérant l’accès à l’exercice de l’art dentaire en France : la voie universitaire et la voie ministérielle.
- La voie universitaire consiste à réussir le concours de première année des études médicales. Ce concours est soumis à un numerus clausus, il est suivi d’un examen de vérification de connaissances des deuxième et troisième années, puis de l’intégralité des quatrième, cinquième et sixième années, soit la quasi-totalité du cursus. Alors que nos voisins européens (Allemagne et Angleterre font intégrer la dernière année).
- La
voie ministérielle, issue de l’article 1er II de la loi n° 72-661 du
13 juillet 1972, consiste à réussir un examen de contrôle de connaissances (2
épreuves écrites théoriques suivies, en cas de succès, d’une épreuve
orale). Le succès à ces épreuves ne permet pas d’exercer l’art dentaire
en France, mais constitue un préalable à l’examen du dossier du candidat par
la commission chargée de donner son avis au Ministre, qui, à son tour, établit
la liste des praticiens autorisés à exercer l’art dentaire en France par arrêté
publié au journal officiel.
Il n’est pas permis de passer les épreuves de contrôle des connaissances au-delà de trois sessions. Les candidats ayant déposé un dossier avant le 1er octobre 1994, bénéficient d’une disposition dérogatoire (article 7 du décret n° 94-868 du 7 octobre 1994) et peuvent passer quatre fois les épreuves précitées.
Ces épreuves se dérouleront pour la dernière fois selon les modalités actuelles dans le courant de l’année 2001. Les dispositions de l’article L. 4111-2 du code de la santé publique 2000 (J.O du 22 juin 2000) précisent qu’à compter du 1er janvier 2002, une épreuve de vérification des connaissances sera instaurée sous forme de concours (classement en rang utile, 2 seules candidatures possibles aux épreuves de sélection et à l’autorisation d’exercice, quota maximal fixé par arrêté).
1- Le système français : carences et besoins de la profession en France.
D’après les études (CREDES et INSEE, 1996), un déficit de praticiens est constaté, alors que les besoins en soin sont en croissance.
- La stomatologie est une spécialité médicale en extinction. L’odontologie lui succédera en milieu hospitalier. L’accès aux soins dentaires devient une nécessité en milieu hospitalier et dans le secteur public en général.
- La démographie professionnelle actuelle est en baisse : augmentation des départs en retraite et cessation d’activité, baisse des nouvelles installations.
- Une inégalité de répartition géographique de la profession en France est constatée : disparités entre quelques régions à haute densité de chirurgiens-dentistes (80-90/100.000 habitants) et une majorité de régions dont la densité en chirurgiens-dentistes varie de 39-60/I00.000 habitants ; la moyenne nationale étant de 68/I00.000 habitants (CREDES et INSEE, 1996).
- Les besoins sont accrus, suite à la loi de la CMU (7 millions de patients bénéficiaires potentiels).
- La promotion blanche de 1999 a entraîné un déficit de 800 nouveaux praticiens, car la durée des études est portée de cinq à six années. Ce qui équivaut à un rattrapage de 160 praticiens par an, sur 5 ans (cf. statistiques CNAMTS).
- Une politique est affichée pour promouvoir la prévention dans le domaine de la santé en général et bucco-dentaire en particulier, ce qui nécessite davantage de moyens et de besoins en chirurgiens-dentistes dans le domaine de la prévention (collectivités, milieux scolaires).
- Les épreuves de PAC présentent 2 rubriques (classées dans la lettre O) : l’odontologie polyvalente et l’odontologie spécialisée. Ces deux spécialités sont ouvertes essentiellement aux chirurgiens-dentistes. Or 9 postes de PAC en odontologie ont été créés, mais paradoxalement, ils demeurent encore vacants, car aucun chirurgien-dentiste n’a accès aux épreuves nationales de PAC.
Ils
assument à eux seuls les gardes de stomatologie (urgences dentaires / adultes
et pédiatriques) à la Pitié - Salpêtrière pour les nuits et les
jours fériés. C’est la seule structure de garde prévue pour Paris et la région
parisienne, ce qui peut amener une grande affluence de consultants : 120 à
130 pour ces journées et pour un seul praticien.
2-
Situation des chirurgiens-dentistes à diplôme extra-communautaire :
Les chirurgiens-dentistes diplômés hors Union Européenne sont les seuls oubliés dans les lois de 1995 et 1999. Ces chirurgiens-dentistes français ou étrangers établis de manière définitive en France se retrouvent en situation d’exclusion que leur impose la fermeture des voies d’intégration dans leur profession et la négation de leur identité professionnelle.
À ce jour, on estime à 1 000 le nombre de ces chirurgiens-dentistes ; ils se répartissent en en 3 catégories :
a- les personnes, ayant subi avec succès les épreuves de contrôle des connaissances, condition première pour la reconnaissance de leur diplôme, sont toujours en attente de l’autorisation d’exercice. Les délais d’obtention, qui sont de l’ordre d’une dizaine d’années environ, ainsi que la difficulté d'accès à l'exercice hospitalier (le seul autorisé), mettant les lauréats dans l’obligation d’exercer d’autres fonctions avant que ne leur soit délivrée l’autorisation nécessaire, engendrent inévitablement un vide d’exercice et, partant, une disqualification.
b- les personnes, ayant réussi à «décrocher » des postes salariés en milieu hospitalier comme attachés associés, vacataires ou comme dentistes de prévention vacataires (mais non autorisés à effectuer des dépistages de carie !!!), n’ont pas de statut, exercent en situation précaire et sans espoir d’évolution de carrière, alors que leur compétence est bien reconnue par les services qu’ils assurent.
c- les personnes, par restriction d’accès au secteur public et absence de cadre légal d’intégration professionnelle (PAC dentiste, statut dans la grille de la fonction publique territoriale, dentisterie scolaire de prévention) se retrouve en exclusion professionnelle et réduite à exercer des métiers n’ayant que peu ou pas du tout de liens avec leur formation (ex : assistante dentaire, délégué médical, etc.).
Un constat est fait : la pratique odontologique est pratiquement inexistante en milieu hospitalier, le nombre de postes y est limité et l’offre de soins dans le secteur public ne représente que 10% de l’exercice odontologique en France.
Par ailleurs, il n’est pas inutile de souligner que les conditions d’obtention du diplôme de chirurgien-dentiste sont également strictes hors Union Européenne et sa valeur est reconnue par l’Éducation Nationale comme étant scientifiquement équivalente à celle du diplôme français.
Les voies proposées pour obtenir le droit d’exercice n’offrent actuellement aucune réelle perspective d’intégration professionnelle :
- La voie issue de la loi 1972 est impraticable par la limitation draconienne du nombre des reçus par an (12 sur l'ensemble du territoire), par le manque de transparence dans les critères de validation des épreuves et par les délais d’attente qui peuvent atteindre une dizaine d’années. Il est à souligner que les nouvelles dispositions prévues à partir de 2002 rendent cette voie encore plus impraticable (2 par an).
- La voie universitaire actuellement proposée en France implique la reprise de la quasi-totalité des études (méthode anti-pédagogique), contrairement à celle, plus pratique et pertinente, appliquée par certains voisins européens (l’Allemagne, l’Espagne et l’Angleterre, ) qui font intégrer les dernières années d’études odontologiques. Nous devons souligner à ce sujet, le caractère inéquitable de la procédure universitaire actuelle qui met sur le même plan les nouveaux bacheliers, ayant pour unique préoccupation et occupation la préparation de ce concours, et les dentistes diplômés depuis un certain nombre d’années, ayant une moyenne d’âge de 40 ans et contraints, pour la plupart, de pratiquer divers métiers pour subvenir aux besoins de leurs familles. La notion de numerus clausus qui est apparemment à l’origine de l’instauration de la voie universitaire actuelle est rendue caduque par l’ouverture de l’Europe d’une part, et par la baisse continue de la démographie professionnelle d’autre part.
Et pourtant, les dentistes dont il s’agit ici affichent une volonté et une combativité pour faire valoir leurs compétences professionnelles, en les confirmant dans le bénévolat en milieu hospitalier et en intégrant des cursus universitaires de 3ème cycle.
III -
Propositions du SNPAC :
Le SNPAC propose un plan d’intégration professionnelle global et des dispositions ministérielles et interministérielles comprenant l’élargissement du nombre d’accès à 160 praticiens par an pendant 5 ans (ce qui correspond uniquement au déficit de praticiens engendré par la promotion blanche de 1999).
Une valorisation de l’expérience acquise en France, ou ailleurs, ainsi que les études de 3eme cycle effectuées en France.
Les chirurgiens-dentistes pouvant prétendre à ce plan d’intégration seront ceux établis de manière régulière et définitive en France à la date de ces propositions :
1-L’autorisation immédiate d’exercice pour tous les chirurgiens-dentistes ayant déjà subi avec succès les épreuves de contrôle des connaissances selon la loi 1972.
2- Amélioration de la voie ministérielle par la mise en place d’un dispositif équivalent au CSCT de médecine (accès direct au épreuves de 6ème année de chirurgie dentaire).
3- Amélioration de la voie universitaire : examen de 5ème année et intégration de la 6ème année dentaire, aboutissant à l’acquisition du diplôme de second cycle.
Et ce, en remplacement des voies sus-mentionnées. (Ce qui serait plus adéquat du point de vue scientifique et clinique que l'examen ministériel actuel, dont la bibliographie remonte à plusieurs décennies.)
4- l’accès pour les chirurgiens-dentistes aux épreuves du PAC odontologie pour la prochaine session prévue au 1er semestre 2001 avec rattrapage de 3 sessions précédente comme cela a été fait pour les confrères médecins et les pharmaciens..
5- l’ouverture des voies d’accès à la prévention pour les chirurgiens-dentistes souhaitant s’orienter vers la prévention, avec plénitude d’exercice (dépistage et soins préventifs) au profit des collectivités territoriales (Ministère de l’Intérieur) et de l’Éducation Nationale.
6- Elargir la participation des chirurgiens-dentistes d’assurer les gardes des soins dentaires urgents à d’autres établissements hospitaliers universitaires et généraux (actuellement, la Pitié est seulement concerné).
7- Création des centres de soins dentaires (à l’instar des centres de cancérologie et des centres anti-douleur) pour permettre à toute la population en France un accès équitable aux soins. Ces centres feront le relais entre les cabinets de ville et les établissements hospitaliers en créant un réseau homogène.
Enfin, le SNPAC insiste pour que l’accès aux soins dentaires soit équitable à toute personne, il est primordial d’harmoniser les structures existantes. Le SNPAC réitère sa demande à la tutelle, dans cette optique, de supprimer tous les statuts précaires en France ( attaché associé en particulier) et de créer un nouveau statut à partir de 2002 basé sur la COMPETENCE. Ce statut devrait concerner tous les praticiens à diplôme hors Union Européenne en France (médecins, pharmaciens et dentistes). Il est sanctionné par un concours national de spécialisation (CNS) et par région. Il aboutira à une fonction de praticien spécialiste (PS) ou d’attaché spécialiste (AS).
Le SNPAC ne peut pas accepter qu’un tel statut soit réel si la compétence, l’égalité et l’intégration des praticiens concernés ne sont pas respectées.
Le SNPAC demande la
mise en cause des discriminations légales injustifiées, ces exclusions légales
qui font de chirurgiens-dentistes des citoyens de deuxième classe. Le SNPAC
affirme sa volonté de voir se nouer le dialogue et les négociations nécessaires
avec les tutelles ministérielles, parlementaires
et syndicales, dans le but de rechercher ensemble les véritables moyens d’intégration,
afin que, dans le pays des Droits de l’Homme, le droit au travail et au
respect ne soit pas un rêve inaccessible.
Il est fondamental que la tutelle reconnaisse le statut de ces chirurgiens dentistes à diplôme hors Union Européenne et d’œuvrer pour une amélioration des voies d’accès à la pratique et à l’intégration professionnelle dans le système dentaire français.
Dr Allal Rafik Dr Hani-Jean TAWIL
Dr Sahari Mokrane Président du SNPAC
Commission des chirurgiens-dentistes Pour Le Bureau National